Après l’effet mode et branchouille en France, le défi
nutritionnel de la spiruline en Afrique
10
mai 2016
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Chez Spirales de lux Olivier façonne la spiruline |
Riche, très
riche même la spiruline. A tel point qu’après avoir conquis les assiettes
branchées, cette algue pourrait conquérir l’Afrique et jouer un rôle actif dans
la lutte contre la malnutrition. Cette cyanobactérie, autrefois appelée
« algue bleue », existe depuis 3,5 milliards d’années. Mais ce n’est
que dans les années 60 qu’un botaniste, Jean Léonard, l’a redécouverte. Il ne
comprenait pas pourquoi une tribu du lac Tchad était mieux portante que
d’autres. Et c’est là qu’il a découvert que ses membres mangeaient de la
spiruline, qui pousse spontanément dans les eaux du lac, rappelle Emilie
Rousselou, porte-parole de la filière en France.
Dès 1974,
l’Onu la désigne comme « aliment d’avenir ». Car la spiruline est un
concentré de protéines (65%), de fer, de bêta-carotène et de vitamines (B12, B,
E, K). « Un super aliment », selon le Dr Jean Dupire, un de ses
propagandistes, mais dont les bienfaits sur la santé ne sont pas établis
scientifiquement. Très prisée des végétariens et des sportifs dans les pays occidentaux,
elle se présente sous forme de gélules à avaler ou de petites paillettes
séchées à saupoudrer sur des salades ou dans des boissons. Une cuillère à café
par jour est recommandée et il faut compter une quinzaine d’euros pour une
ration mensuelle. « Ce n’est pas un médicament ni un produit magique. Mais
c’est un aliment énergisant par sa teneur en protéines, antioxydant et
détoxifiant avec sa chlorophylle et anti-inflammatoire avec sa
phycocyanine », expliquent Nicole et Olivier Charmont sous leur chaude
serre, dans la Drôme, où ils produisent cet « or vert » dans des
bassins hors sol.
La spiruline n’a jamais été soutenue par les grandes ONG qui lui préfèrent
le Plumpy’Nut, pâte énergétique prête à l’emploi à base d’arachide produite par
le groupe français Nutriset
La spiruline
pousse naturellement dans des lacs légèrement salés des pays tropicaux. Il est
donc facilement possible de reproduire son milieu naturel en bassin, pourvu
qu’il y ait suffisamment de chaleur et de lumière. C’est ainsi qu’une centaine
de producteurs s’y sont mis en France. Ils produisent seulement 20 tonnes par
an, soit à peine de quoi assouvir 15% de la consommation française. Le reste de
la spiruline consommée dans l’Hexagone vient essentiellement de Chine, où elle
est produite de façon industrielle. En France, les spiruliniers revendiquent
une approche paysanne, à petite échelle, avec un séchage doux de
l' »algue » qui préserve au maximum ses spécificités.
Un modèle
unique qui intéresse les pays en développement où cette cyanobactérie apparaît
comme une arme de lutte contre la malnutrition chronique. Ainsi de petites
associations, comme les suisses d’Antenna Technologies, se sont adossées au
savoir-faire technique de la filière française pour créer des fermes en
Afrique, en Asie. « Nous avons monté une vingtaine de fermes. Certaines
ont essaimé comme à Madagascar », explique Diane de Jouvencel, qui dirige
cette ONG en France. Mais le développement d’une production à grande échelle
butte sur deux points. D’abord sur l’acceptabilité de la spiruline dans les
assiettes. Car cette bactérie, d’un vert profond, qui croque sous la dent, ne
plait pas à tout le monde, notamment en raison de son odeur. Ensuite, parce que
la spiruline n’a jamais été soutenue par les grandes ONG qui lui préfèrent le
Plumpy’Nut, pâte énergétique prête à l’emploi à base d’arachide produite par le
groupe français Nutriset.
Une posture
que regrette Antenna Technologies qui rêve d’un monde où chaque village aurait
sa ferme de spiruline, et chaque ville des bassins de spiruline sur les toits.
Une façon d’être à l’avenir autonome en protéines à l’heure où la consommation
de viande est de plus en plus remise en question. Pour surmonter ces blocages,
de nombreuses entreprises planchent sur la création de produits agroalimentaires
dans lesquels la spiruline se fonderait. Et on peut penser que celle-ci
s’immiscera bientôt dans des produits de consommation courante, comme a réussi
à le faire la stevia, cette plante du Paraguay au pouvoir sucrant non calorique
qui s’est imposée en dépit de son arrière-goût de réglisse.
Franck Pinay-Rabaroust,
avec AFP / © Philippe Desmazes
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